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Ensemble c’est mieux

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Pierre Wuthrich

Paru

26.11.2021

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Un jeudi sur deux, Regina Zaugg organise à Villars-sur-Glâne (FR) une Tavolata. Sa table d’hôtes qui permet aux seniors de passer un moment convivial est aussi l’occasion de découvrir la cuisine africaine.

Il faut redonner de la vie aux personnes âgées. Aujourd’hui, c’est leur jour. Alors, je veux faire les choses bien comme il faut, avec un bon repas et une jolie table», résume Regina Zaugg, tout en vérifiant avant l’arrivée des convives que les assiettes et les couverts sont correctement disposés. Ce petit rituel, la jeune sexagénaire le répète deux jeudis par mois lorsqu’elle accueille chez elle à midi des seniors qui souhaitent passer un bon moment en groupe tout en savourant un menu équilibré.

«J’ai découvert le concept Tavolata dans le bureau de Pro Senectute de la commune. Comme j’aime le contact avec les gens et que c’est dans ma nature de faire plaisir, j’ai tout de suite eu envie d’ouvrir ma propre table d’hôtes. De plus, les personnes âgées sont des personnes formidables et ont besoin de nous. C’est pourquoi je pense qu’avec Tavolata, j’ai trouvé ma vocation.» Et tant pis si ce genre d’activités demande un peu d’organisation et de travail en cuisine. D’ailleurs, Regina Zaugg y voit une source de plaisir plutôt qu’une tâche ménagère.

Regina est une belle personne, très fraternelle. Je me réjouis chaque fois de la revoir. Nous passons toujours des moments riches ensemble, et je trouve que ces contacts sont très importants.

Jean Glaisen 82 ans, Villars-sur-Glâne

Pour le repas de ce midi, la Fribourgeoise d’adoption a commencé la veille au soir à préparer son poulet bagwaneza qu’elle fait mariner toute une nuit dans un mélange de gingembre, sauce soja, huile et farine.

«De parents rwandais, j’ai grandi en ­Ouganda. Je sers toujours des plats africains lors de mes Tavolata.Avec les ingrédients que je trouveen Suisse, j’essaie de retrouver les saveurs que j’ai connues dans mon ­enfance.» À Villars-sur-Glâne, le voyage gustatif commence même à l’heure de l’apéritif. «J’ai prévu des cacahuètes binyebwa que je fais griller moi-même. Elles sont rouges et viennent du Rwanda. Et pour l’entrée, ce sera des samoussas maison.»

J’ai travaillé de nuit comme infirmière assistante dans un EMS et je dormais le jour. Du coup, je n’avais pas une vie sociale très développée. Depuis que je suis à la retraite, je me rattrape. J’essaie de venir le plus souvent possible ici, mais la dernière fois, c’était complet.

Maryline Mongbanziama 66 ans, Villars-sur-Glâne

Les quatre convives du jour qui viennent d’arriver se montrent ravis de vivre cette expérience culinaire. Certains sont des habitués et connaissent le talent de cuisinière de Regina Zaugg, d’autres se réjouissent de découvrir de nouvelles saveurs. «Quand les personnes s’inscrivent pour venir manger chez moi, je leur indique toujours ce que je vais préparer. Ainsi, il n’y a jamais de mauvaises surprises et je peux m’adapter en cas d’allergies ou d’intolérances.»

Avec une aisance certaine, Regina Zaugg alterne passage en cuisinepour contrôler ses cuissons et ­moments à table où elle veille, en tant que parfaite maîtresse de maison,à ce que chaque hôte soit à l’aise et s’intègre au groupe. «Mon but estque les gens se sentent chez moi comme à la maison.»

J’aime les contacts humains et ici je peux en faire de nouveaux. Je n’ai donc pas hésité à m’inscrire. Chez Regina, c’est très convivial et on mange sainement. C’est la troisième fois que je viens.

Jacques Perrenoud 85 ans, Villars-sur-Glâne

Bonne ambiance et bienveillance

Autour de la table, la mayonnaise prend d’ailleurs rapidement. Il y ade la bienveillance chez chacun des convives qui écoute l’autre avant de parler de lui. Les sujets qui fâchent – le vaccin par exemple – sont évités avec le tact nécessaire, et le climatest suffisamment chaleureux pour que l’on ose s’ouvrir et parler de ses sentiments – comme celui d’être veuf après une vie entière passée à deux. Malgré tout, l’ambiance reste joyeuse et celles et ceux qui se connaissent déjà osent même se taquiner. ­«Regardez. Ici c’est bien mieuxqu’un restaurant où l’on ne rencontre personne», souffle Regina Zaugg en cuisine, tout en préparant le dessert: une boule de glace abricot-meringue agrémentée de morceaux de poire,de figues fraîches et de physalis.

À la fin du repas, comme c’est ­toujours le cas, les convives sont sous le charme de la maîtresse de maison. «Regina a une personnalité solaire et est très généreuse», salue Maryline Mongbanziama, l’une des hôtes –une remarque qui fait l’unanimité ­autour de la table. Le mot de la fin ­revient, lui, à Jacques Perrenoud. «Il ne faut pas avoir peur de s’inscrire à une ­Tavolata. Le seul risque estcelui de prendre du plaisir. Et puis,on repart enrichi de ces rencontres, même si on ne revoit pas forcément les gens.»

C’est la première fois que je participe à une Tavolata. C’est Jean qui m’a invité. Tout était parfaitement organisé, et l’ambiance conviviale. Chacun prend soin de parler avec tout le monde et je me suis découvert des amis communs avec certains des autres invités.

Michel Christinaz 87 ans, Fribourg

Des recettes plein la tête

Pour sa prochaine table d’hôte, ­Regina Zaugg pense d’ailleurs déjàà une nouvelle recette. Ce pourrait être un pilawo, soit un riz aux légumes agrémenté de bananes plantainet de pommes de terre ou un steak grillé à la coriandre accompagnéde foufou, une pâte de manioc ­façonnée en boule. De quoi donner envie aux convives de se revoir et ­permettre de trouver ou de retrouver goût à la vie.

Impressions

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En organisant des repas pour des personnes âgées, Regina Zaugg affirme avoir trouvé sa voie.

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Ce midi chez Regina Zaugg sont réunis quatre convives dont certains habitués. De gauche à droite: Jacques Perrenoud, Maryline Mongbanziama, Jean Glaisen et Michel Christinaz.

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Regina Zaugg aime préparer des plats africains en référence à ses origines rwandaises. Ce midi au menu: poulet bagwaneza.

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Et en dessert, une glace à l’abricot agrémentée de figues.

Photos: Matthieu Spohn