En-tête

Aller à l’essentiel, c’est essentiel

Texte

Pierre Wuthrich

Paru

30.12.2021

Une femme tient un cœur en l'air

Le langage FALC, pour Facile à lire et à comprendre, vise à simplifier le français. En privilégiant des mots simples et des phrases courtes qui vont droit au but, il permet d’intégrer un maximum de personnes.

Qui se rend sur le site internet du Laténium, le musée d’archéologie de Neuchâtel, trouvera des informations en français, en allemand, en italien et en anglais et, plus étonnant: il pourra aussi y lire des renseignements pratiques en français facile, un langage simplifié connu sous le nom de FALC (Facile à lire et à comprendre).

«La méthode FALC utilise des phrases courtes et des mots simples. Elle vise aussi à réduire la masse d’informations et à offrir une structure clarifiée des textes», résume France Santi, traductrice et formatrice en FALC. Le but? Rendre un message compréhensible par le plus grand nombre, que ce soit des personnes en situation de handicap ou des migrants (lire ci-dessous) mais aussi des seniors ou des enfants ayant du mal à se concentrer.

Daniel Dall’Agnolo, délégué à l’inclusion et responsable de la médiation culturelle du Laténium, poursuit: «Il est de notre mission d’accueillir tous les publics. C’est pourquoi, dès l’ouverture du musée en 2001, nous avons par exemple construit des rampes d’accès pour les fauteuils roulants. Le FALC, que nous avons introduit en 2018, s’inscrit dans cette volonté de rendre le musée accessible.»

personnes réfléchies

Une vraie prise de conscience

Outre son site internet, le Laténium propose également des visites guidées et des brochures sur les expositions temporaires en FALC. «Pour l’élaboration de ces textes, nous collaborons avec la Fondation des Perce-Neige aux Hauts-Geneveys (NE). Des personnes en situation de handicap mental y participent activement. C’est essentiel de les intégrer au processus», précise Daniel Dall’Agnolo.

Cette simplification de l’information, de plus en plus d’institutions la pratiquent dans notre pays. «Il y a eu une réelle prise de conscience après que la Suisse a ratifié en 2014 la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU. Les réticences d’autrefois ont petit à petit disparu pour laisser la place à une évidence: chacun et chacune doit pouvoir comprendre un texte pour agir et prendre des décisions. Le FALC s’impose de plus en plus comme un outil d’aide à la participation», explique France Santi.

Quant au reproche que l’on appauvrirait la langue, la coach l’a souvent entendu. «Le FALC ne remplace pas le français. Il sera toujours possible et souhaitable de faire de la littérature. Par contre, celle-ci n’a pas sa place dans un texte administratif.» Et de mentionner une nouvelle tendance: le langage clair. «S’il reprend les bases du FALC, celui-ci s’adresse cette fois à vous et à moi et est écrit dans un français B1, soit le niveau à partir duquel on peut vivre de manière indépendante. L’idée est de se mettre au niveau de tous les lecteurs afin que la communication soit efficace. Des services étatiques, des banques et des assureurs suisses l’ont bien compris et ont commencé à adopter le langage clair. Et à l’étranger, le Québec a récemment voté l’obligation d’utiliser le niveau B1 dans les documents abordant la protection des renseignements personnels.»

À l’avenir, de nouveaux formats pourraient encore voir le jour. «En Australie, un établissement bancaire s’est récemment lancé dans la bande dessinée pour décrire les conditions d’utilisation de ses comptes», commente France Santi. La fin – attendue par beaucoup – du charabia administratif et juridique?

Comprendre pour pouvoir décider

   La Fondation valaisanne en faveur des personnes avec une déficience intellectuelle (Fovahm) accompagne des adultes afin qu’ils puissent s’épanouir dans des projets de vie adaptés à leurs besoins. «Nous avons découvert la méthode du FALC en 2013 au Luxembourg dans le cadre du projet européen Grundtvig. Celui-ci avait comme objectif de mettre en place des bonnes pratiques favorisant l’autodétermination, se souvient Emmanuelle Leonard, responsable notamment du centre de formation pour jeunes adultes et du soutien socioprofessionnel en entreprise de la Fovahm. Or, le FALC est un outil très précieux pour que nos bénéficiaires aient accès à l’information, puissent la comprendre et enfin soient à même de prendre des décisions.»

On retrouve donc cette écriture simplifiée partout où une personne est placée devant un choix. Cela peut être un courrier officiel, un support de cours, lié à la vaccination anti-Covid ou une brochures sur le droit de curatelle.

«Traduire ces textes prend du temps, reconnaît Emmanuelle Leonard. Il a fallu se former durant plusieurs journées et s’habituer à cette méthode. Il faut aussi investir dans la recherche des informations et savoir vulgariser sans dénaturer. Chaque texte, qui comprend aussi des images ou des pictogrammes, doit être approuvé par un comité de lecteurs formé de personnes en situation de handicap. Mais le jeu en vaut la chandelle. Ainsi, quand un jeune a rendez-vous avec l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) afin de déterminer s’il a besoin d’un curateur, il peut prendre des décisions éclairées, car il a compris de quoi on lui parle.»

Pour les bénéficiaires eux-mêmes, le FALC est bien évidemment le bienvenu: «Les textes dans les journaux et dans les magazines sont trop difficiles à comprendre. Il y a trop de mots compliqués et il n’y a pas de picto, explique Thaïs Proton, un jeune adulte du centre de formation de la Fovahm. Avec le FALC, je peux regarder les images. Les phrases sont plus courtes, et je sais de quoi ça parle.»

Portrait, Emmanuelle Leonard

Chaque texte doit être approuvé par un comité de lecteurs formé de personnes en situation de handicap.

Emmanuelle Leonard responsable de la Fovahm

Validé par les concernés

  Au sein de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), le FALC a fait son apparition au début de cette année. «Nous avons remarqué que nous utilisions trop de jargon interne dans nos documents et que notre communication n’était pas suffisamment claire. Rendez-vous compte: quand j’ai commencé à l’EVAM, même moi, je ne comprenais pas certains intitulés. Alors vous pouvez imaginer la difficulté pour un migrant dont ce n’est pas la langue», explique Lorenza Pastore, responsable du pôle Administration et cheffe de projet FALC à l’EVAM. Il fallait donc simplifier. Surtout que l’institution a pour mission d’accompagner près de 5500 bénéficiaires afin de favoriser leur autonomie, notamment sociale. Et que celle-ci passe par la compréhension de la langue.

Désormais, un grand nombre de documents du Domaine Formation et Mesures d’intégration est donc traduit en FALC. Ce peut être des convocations à un rendez-vous, des informations concernant un cours de français ou une mesure d’intégration.

Au fil des ans, les autres secteurs d’activités de l’EVAM passeront un à un au FALC. Car tout le monde en profite. «Depuis que nous avons opté pour les traductions en langage simplifié, nous avons remarqué que les appels auprès de notre centrale téléphonique, des enseignants, des éducateurs ou des assistants sociaux avaient drastiquement baissé après un envoi en FALC. Auparavant, les migrants les sollicitaient en effet très souvent, car ils n’avaient pas compris le contenu du document.»

Le FALC permet aussi de développer un sentiment d’appartenance. «Nous intégrons des -migrants dans la relecture des traductions. Cela permet d’améliorer les textes bien sûr, mais aussi de confier des responsabilités à certains de nos bénéficiaires en les plaçant au centre de notre action.» C’est d’autant plus précieux que ces mêmes bénéficiaires jouent alors un rôle d’ambassadeurs du FALC auprès des autres migrants. «En témoignant que la méthode est faite pour leur venir en aide, ils jouent un grand rôle dans sa diffusion.»

  Illustrations et photo: Getty Images

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