Mon enfant écoute du rap violent: quelle attitude adopter?
Paru
13.02.2023

Les jeunes raffolent des tubes de rappeurs comme Capital Bra et autres. Mais leurs textes et vidéos, souvent sexistes, font dresser les cheveux sur la tête de leurs parents. Comment réagir?
Hier encore, la chambre de votre enfant résonnait des douces mélodies d’Henri Dès, et voilà qu’aujourd’hui, c’est du rap qui vibre quotidiennement derrière la porte, désormais close, de votre ado. Si les jeunes raffolent de ces textes scandés sur fond musical, leurs parents les apprécient moins. En effet, leurs paroles ont trop souvent misogynes, et constituent même parfois des appels à la violence.

Rappeur Capital Bra
Un exemple? «Scheiß mal auf dein’n Beauty-Dreck, sie sagt, dass es unter meinem Gürtel schmeckt (…) Du fühlst dich cool mit deinem Louis-Koffer, du bist ’ne richtige Hurentochter.» (Arrête ton délire avec ta belle gueule, elle dit que ça a bon goût sous ma ceinture (...) Tu te trouves cool avec ta valise Vuitton, tu es une vraie fille de p...). Ces lignes sont de la plume de Capital Bra. Artiste le plus streamé sur Spotify Allemagne en 2020, il est également très populaire chez les jeunes Suisses alémaniques.
Pourtant, Capital Bra n’est pas ce qui se fait de pire, en matière de sexisme, dans le rap germanophone. Mais pour beaucoup de parents, c’est encore trop. Alors, comment réagir si votre progéniture écoute les chansons de ce rappeur en boucle, ou scande même ses textes à haute voix?
Communiquer sans faire de reproches
Ingrid Broger, experte en compétences médiatiques chez Pro Juventute, conseille d’aborder la question du sexisme en s’abstenant de tout reproche: «Le mieux est de demander d’abord à l’enfant ce que signifie, à son avis, ce type de passage dans les chansons.»
Souvent en effet, il ou elle n’a pas du tout conscience de ce qui est réellement dit dans sa chanson préférée. Ce n’est qu’ensuite que les parents devraient lui faire part de leurs réactions, au sujet de ces paroles. D’après Ingrid Broger: «En tant que mère, dites-lui clairement: «Je trouve ces déclarations dégradantes pour une femme. Pour moi, ça veut dire que les femmes sont réduites au statut d’objet sexuel.»
Les interdictions nuisent à la relation
Il est bien possible que face à de tels propos, la première réaction de votre progéniture soit de lever les yeux au ciel. Poursuivez néanmoins le dialogue de manière purement factuelle et ne menacez pas votre enfant de punition si vous deviez à nouveau entendre de sa bouche les expressions incriminées. «Ce type d’interdiction peut nuire à la relation avec l’enfant», estime la spécialiste.
«Il vaut mieux l’écouter calmement, puis exposer son point de vue et demander à son fils ou à sa fille de ne pas utiliser d’expressions dégradantes ou offensantes.» L’experte juge également qu’il est important d’expliquer à son enfant que l’utilisation de mots offensants peut entraîner des conséquences pénales.
Un sens souvent différent dans la langue des jeunes
À l’inverse, les parents ont souvent aussi besoin d’un décodeur. Alors qu’autrefois, le mot «bitch», fréquent dans le rap, était encore une grave insulte, les jeunes germanophones lui confèrent aujourd’hui un sens bien moins agressif, et les adolescentes l’utilisent parfois même entre copines, pour plaisanter. Si, en tant que parent, vous avez conscience de ce fait, vous pourrez vous montrer un peu plus détendu-e face à l’argot de vos chérubins.
«Il est cependant toujours bon d’informer son ado du sens originel des mots», estime Ingrid Broger. N’oublions pas en effet que la langue a un impact sur notre pensée, laquelle se reflète à son tour dans nos comportements.
Pourquoi les femmes sont-elles représentées de cette manière?
À propos de comportement: les clips vidéo n’ont rien à envier aux textes en matière de sexisme. Les rappeurs aiment à s’y mettre en scène en impitoyables gangsters entourés de donzelles légèrement vêtues. La caméra, en zoomant sans cesse sur leurs fesses et leurs seins, les réduit à leurs seuls attributs sexuels. «Pareilles représentations peuvent parfaitement influencer les jeunes», estime Ingrid Broger.
Raison de plus pour s’intéresser, en tant que parent, aux contenus que son fils ou sa fille consomme sur Internet et de chercher sans cesse le dialogue. Des questions ouvertes faciliteront les échanges: «Demandez à votre enfant pourquoi, à son avis, les hommes et les femmes sont représentés ainsi dans les clips, mais aussi dans la publicité et les médias sociaux. En effet, le sexisme n’est absolument pas l’apanage du rap», affirme l’experte.
Si la discussion peine à s’engager, vous pouvez aussi en faire un jeu: «Quand ma fille avait 12 ans, nous avons organisé une sorte de concours: c’était à qui détecterait la première les images qui ne reflétent pas la réalité, raconte Ingrid Broger. Nous avons ainsi remarqué que dans les séries télévisées, les femmes étaient presque toujours coiffées et maquillées quand elles se réveillaient dans leur lit le matin.» Et les hommes? À vous de mener l’enquête avec votre enfant!
Photos: Getty Images
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