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«Nous devons en faire plus pour protéger les enfants»

Texte

Deborah Bischof

Paru

09.11.2023

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Une gifle, une douche froide ou des coups: de nombreux enfants subissent encore des violences physiques chez eux. La Suisse doit agir de toute urgence et mieux protéger les enfants, réclame la fondation Protection de l’enfance Suisse.

Regula Bernhard Hug, 38% des parents ont déjà giflé, poussé, donné une douche froide ou puni physiquement leur enfant d’une autre manière. C’est ce que montre une nouvelle étude de l’Université de Fribourg. Que vous inspirent ces chiffres?

Ils me font beaucoup réfléchir. Avant la pandémie de COVID-19, nous avons vu une nette tendance à l’éducation non-violente. Ce n’est malheureusement plus le cas aujourd’hui. Les enfants en Suisse ont pourtant le droit d’être protégés. En tant que société, nous devons donc tout faire pour que l’éducation non-violente devienne «normale».

La personne

Regula Bernhard-Hug, spécialiste du sujet, a répondu à nos questions. Elle est la directrice du secrétariat de la fondation Protection de l’enfance Suisse.

Très concrètement, la loi autorise-t-elle aujourd’hui à gifler son propre enfant?

Pas vraiment. Une gifle est une «agression» et elle est punissable. Toutefois, pour qu’il y ait sanction, il faudrait que l’enfant ou quelqu’un de son entourage dénonce les parents. Mais personne ne le sait et la dénonciation n’est souvent pas non plus la bonne solution. En effet, une gifle isolée est souvent le résultat d’un surmenage. Pour les enfants comme pour les adultes, il serait donc plus judicieux de chercher le dialogue avec les parents et de leur proposer des alternatives.

Qui sont les parents qui continuent à recourir à la violence?

En principe, cela peut arriver à tout le monde. La violence survient surtout en situation de stress. Pendant une fraction de seconde, les parents perdent leur sang-froid, frappent leur enfant ou l’insultent violemment. La plupart d’entre eux regrettent leur acte après coup. Seule une toute petite partie est convaincue que l’éducation ne peut réussir que par la violence.

Le Conseil fédéral a récemment mis en consultation une nouvelle loi visant à mieux protéger les enfants. De quoi s’agit-il concrètement?

Une éducation sans punition corporelle ni autres mesures dégradantes doit être établie comme norme dans le code civil. Il serait donc désormais également interdit aux parents d’humilier leurs enfants, de les insulter violemment ou de les rabaisser de toute autre manière.

Les parents n’auraient donc plus le droit de gronder?

Si, il est même important que les parents montrent à leurs enfants quand ils sont en colère. Dans ce contexte, tous les sentiments sont autorisés, mais pas toutes les actions. Il y a une différence entre dire à un petit enfant que l’on est fâché parce qu’il ne veut pas mettre ses chaussures et le mettre en chaussettes dans la poussette, ou lui dire qu’il est trop bête pour mettre ses chaussures et le menacer de le laisser seul. Le second comportement provoque une grande peur chez l’enfant et nuit à un développement sain.

Quelles sont les sanctions auxquelles les parents devraient s’attendre à l’avenir?

La nouvelle loi ne viserait pas à punir, mais à soutenir et à prévenir. La violence doit être évitée avant qu’elle ne se produise.

Comment y parvenir?

D’une part, les cantons devraient mettre en place de nouveaux moyens d’assistance faciles d’accès que les parents et les enfants pourraient solliciter dans des situations conflictuelles. D’un autre côté, il faudrait des professionnel-les comme les sages-femmes, les enseignant-es ou les médecins. La nouvelle loi leur fournirait une base objective pour entamer un dialogue avec les parents lorsqu’ils soupçonnent de la violence dans l’éducation.

Journée internationale de l’enfant

La Journée des droits de l’enfant a lieu chaque année le 20 novembre. La Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant a été adoptée en 1989 à cette date.

Selon eux, le fait que les parents frappent un enfant ou non dépend souvent de quelques secondes. Comment une autre loi peut-elle protéger un enfant à ce moment-là?

Il s’agit d’un signal. Si nous évoluons dans des cercles où tout le monde trouve qu’une gifle de temps en temps n’a jamais fait de mal à un enfant, la violence dans l’éducation sera normalisée et les parents pourront aussi plus facilement justifier leurs actes à leurs propres yeux car les autres le font aussi. Mais cela fonctionne aussi dans l’autre sens: si, en tant que société, nous nous mettons d’accord sur le fait que nous voulons éduquer les enfants sans violence, cela devient la «nouvelle norme».

Les parents peuvent alors chercher d’autres méthodes pour résoudre les conflits, par exemple en quittant brièvement la pièce avant que la situation ne s’aggrave. Si cela se produit malgré tout, ils ont davantage conscience que leur comportement était erroné, s’excusent auprès de l’enfant ou cherchent même du soutien.

Cela semble très optimiste.

Dans l’UE, 23 pays sur 27 disposent déjà de telles lois. Nous savons d’eux que cela fonctionne. En Allemagne, par exemple, les cas de violence parentale ont diminué de 30% depuis l’introduction de la loi. Le fait que la Suisse ne dispose pas encore d’une telle loi est régulièrement critiqué par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU.

Le 20 novembre est la Journée internationale des droits de l’enfant. Globalement, où en est la Suisse dans la mise en œuvre des droits de l’enfant?

Nous sommes en principe sur la bonne voie. En Suisse, de nombreux enfants se portent très bien. Si nous prenons par exemple le droit à l’éducation, nous sommes même exemplaires.

Y a-t-il d’autres domaines dans lesquels vous estimez avoir un retard à combler?

La protection dans le monde réel et numérique est le fondement de tous les droits. En effet, un enfant dont le développement est menacé ne peut pas faire entièrement usage de ses autres droits. Reprenons l’exemple de l’éducation: un enfant qui subit des violences à la maison a plus de mal à se concentrer à l’école et apprend moins bien. Nous devons donc en faire plus pour protéger les enfants.

Photo/scène: Getty Images

Comment vous engagez-vous personnellement en faveur de la protection des enfants? Dites-le nous dans les commentaires!

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