La vie d’une musicienne ressemble un peu à celle d’une globe-trotteuse. Résidente de Salzbourg, la pianiste Ariane Haering était hier à Pérouse et sera demain en Amérique du Sud. Nous la retrouvons de passage à La Chaux-de-Fonds, dans la salle de musique qui lui est si chère.
«J’aime revenir ici. Enfant, j’offrais les bouquets de fleurs aux solistes à la fin des concerts. Plus tard, je tournais les pages des partitions de grands pianistes, et à 14 ans j’y jouais mon premier concert avec orchestre. J’y ai aussi enregistré un CD de sonates de Mozart avec le violoniste Benjamin Schmid», se souvient celle qui a grandi et étudié à La Chaux-de-Fonds. «Cette ville m’a donné tous les outils me permettant de suivre ma voie de pianiste, que ce soit le collège musical où j’ai commencé le piano, le conservatoire où j’ai obtenu mon diplôme et le gymnase qui m’a acceptée en auditrice. Ensuite, j’ai bénéficié durant trois ans d’une bourse du Pour-cent culturel Migros pour financer mes études. Tout cela a été précieux pour moi.»
J’aime beaucoup jouer en petit comité
Ariane Haering
Après une année à l’Université de Caroline du Nord et un premier prix de virtuosité avec les félicitations du Jury au Conservatoire de Lausanne, la Suissesse jouit d’une belle carrière de soliste, qu’elle mettra toutefois entre parenthèses pour fonder une famille et élever ses quatre enfants. «Je l’ai fait tout naturellement, car j’avais déjà vécu intensément une vie de musicienne accomplie», analyse Ariane Haering.
Un come-back réussi
Depuis quelques années, notamment encouragée par sa belle-mère et ses collègues, Ariane Haering revient sur le devant de la scène. En 2015, elle se lance dans l’aventure du «Duo Ariadita» aux côtés de la pianiste Ardita Statovci et, un an plus tard, elle cofonde l’Alban Berg Ensemble Wien, un septuor qui s’est rapidement fait un nom grâce à la haute qualité de ses performances. Au point que Deutsche Grammophon, sans doute le plus prestigieux des labels de musique, ait décidé de collaborer avec lui pour l’édition d’au moins trois CD. «C’est une vraie consécration et une belle récompense», admet Ariane Haering.
Le premier CD*, sorti en 2020 et qui devait être couplé à une série de concerts qui a été annulée du fait du Covid, fait la part belle à Richard Strauss, Gustav Mahler et Arnold Schönberg, «Les œuvres ont été écrites au début du XXe siècle, une période charnière à Vienne, explique la pianiste. La monarchie est encore bien présente, mais on sent poindre la modernité, que ce soit dans l’architecture ou dans les arts, avec le mouvement Sécession ou encore avec la naissance de la psychanalyse de Freud. On retrouve toute cette ambivalence et cette mutation dans les œuvres de ces trois compositeurs.»

Ariane Haering est l’une des très rares musiciennes à enregistrer chez Deutsche Grammophon. Ici, dans la salle de musique de La Chaux-de-Fonds.
Des goûts éclectiques
Outre le plaisir d’interpréter ces pièces entre deux mondes, Ariane Haering apprécie également de pouvoir évoluer au sein d’un septuor. «J’aime beaucoup jouer de la musique de chambre en petit comité. Le piano peut être un instrument solitaire, mais pour moi la notion de partage est très importante. Le fait qu’il n’y ait pas de chef dans notre septuor et que chaque musicien ose s’impliquer à part égale me paraît essentiel.»
Un autre avantage, propre à un petit ensemble, réside enfin dans la clarté du jeu qui peut ressortir des œuvres. «Nous perdons certes le volume sonore propre aux grandes phalanges, mais ici chaque groupe d’instruments peut se faire parfaitement entendre, ce qui permet au public de mieux saisir l’intention du compositeur.»
Enfin, résumer Ariane Haering à la musique classique serait mal connaître la pianiste. «Mes goûts musicaux éclectiques et la passion pour les défis m’amènent à découvrir de nouveaux horizons. Je vais prochainement faire une incursion dans le jazz et la variété en compagnie du chanteur Pascal Auberson et du pianiste et arrangeur Gaspard Glaus.» Un spectacle qui sera présenté la saison prochaine. Affaire à suivre donc.
l’Alban Berg Ensemble Wien sera en concert à La Chaux-de-Fonds le 20 février 2022. Le concert sera enregistré par Espace 2.
* En vente sur exlibris.ch
C’est vite dit
Un appartement sans piano, c’est…
«Impensable. S’il n’y en a pas, j’y amène un clavier électrique! Pareil pour les hôtels.»
Un compositeur avec qui vous aimeriez partager un repas?
«Johannes Brahms. Il a composé tant d’œuvres extraordinairement complexes pour le piano. J’aimerais qu’il m’aide à en percer le mystère.»
Un instrument, autre que le piano, dont vous auriez pu tomber amoureuse…
«Le violoncelle. J’en ai joué quelques années. J’aime les sons bas et les voix graves.»
Un héros qui a changé votre vie…
«Le pianiste Alfred Brendel. Il m’a procuré l’une de mes plus intenses émotions musicales en concert.»
Une qualité que vous admirez chez autrui…
«La compassion.»
Un don qui vous manque…
«Savoir dessiner.»
Vous aimeriez mourir…
«Entourée de ceux que j’aime.»
Vous aimeriez être réincarnée…
«En chat pour dormir, ronronner, jouer, écouter, manger, observer et aimer.»
Le bonheur, c’est…
«Le premier rayon de soleil d’un nouveau matin.»

Ariane Haering dans la salle de musique de La Chaux-de-Fonds.
Photos/scene: © Guillaume Perret/Lundi13
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